Allez les yeux invisibles vers le beau.

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20/09/2009

Les derniers jours de Charles Baudelaire

 

images-1.jpegL'hôtel du Grand-Miroir est l'une de ces pensions bruxelloises, modestes et faussement coussues, qui jouissent d'une certaine réputation chez les négociants français de passage. La chambre est petite. Elle est meublée, comme toutes les chambres à cet étage, d'une table, d'un lit, d'une chaise au vernis fatigué, d'un coffre de bois, d'une carpette, d'une cuvette en émail où trempe un peu de linge. L'air y est lourd, écoeurant. un mélange, indéfinissable, d'absinthe, de tabac froid, de laudanum, de maladie. une lumière pauvre filtre à travers le drap du rideau et vient éclairer, sur le mur, le portrait d'un homme d'âge, à la délicate figure d'aristocrate d'ancien régime dont l'artiste semble avoir pris plaisir à souligner le contraste entre les pommettes, la fière hauteur du front, la perruque sévère et noire, le nez dur, un bec d'aigle - et puis, inattendue sous la barre des sourcils en broussaille, la singulière douceur d'un regard de compassion. sur le lit, près du coffre, il y a un homme enfin, vivant celui-là, un peu plus jeune, mais que la pâleur de son teint, ses yeux creux, la longueur de ses cheveux font ressembler au visage du tableau face à lui.

 

(Extrait du livre "Les derniers jours de Charles Baudelaire" de Bernard-Henri Lévy aux Editions Grasset)