01/12/2011
Proses des Ivresses... (21)
LE CAFE
C'est toi, divin café, dont l'aimable liqueur,
Sans altérer la tête épanouit le coeur !
Ainsi, quand mon palais est émoussé par l'âge
Avec plaisir encor je goûte ton breuvage.
Que j'aime à préparer ton nectar précieux,
Nul n'usurpe chez moi ce soin délicieux.
Sur le réchaud brûlant, moi seul, tournant la graine,
A l'or de ta couleur fais succéder l'ébène ;
Moi seul, contre la noix qu'arment ses dents de fer,
Je fais, en le broyant, crier ton fruit amer,
Chargé de ton parfum, c'est toi seul qui, dans l'onde,
Infuses à mon foyer ta poussière féconde ;
Oui, tour à tour calmant, excitant tes bouillons,
Suis, d'un oeil attentif tes légers tourbillons.
Enfin, de ta liqueur, lentement reposée,
Dans la vase fumant, la lie est déposée ;
Ma coupe, ton nectar, le miel américain,
Que du suc des roseaux exprima l'Africain,
Tout est prêt ; du Japon, l'émail reçoit tes ondes
Et, seul, tu réunis les tribus des deux mondes.
Viens donc, divin nectar ! viens donc, inspire-moi :
Je ne veux qu'un désert, mon Antigone, et toi !
A peine j'ai senti ta vapeur odorante,
Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens, sans trouble, sans chaos,
Mes pensers plus nombreux, accourent à grands flots,
Mon idée était triste, aride, dépouillée ;
Elle rit, elle sort richement habillée,
Et je crois, du génie éprouvant le réveil,
Boire dans chaque goutte un rayon de soleil.
(Poème de Jacques Delille - extrait de "Oeuvres" - 1738-1813)
03:23 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, café, ivresses, détente, delille, littérature, poète