Allez les yeux invisibles vers le beau.

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17/09/2015

Poème du jour...

char,la sorgue,poète,poésie,rivière,écrivain,réflexion,comprendre,savoir,connaîtreLa Sorgue

 

 

Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,

Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,

Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.

 

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.

Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.

 

Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.

 

Rivière des apprentis à la calleuse condition,

Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.

 

Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,

Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.

 

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,

Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.

 

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,

De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.

 

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,

Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.

 

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,

De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

 

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,

Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.

 

 René Char

11/10/2013

René Char... (Le Poète)

 

René Char. Fureur et mystère, Gallimard, 1967 (« Poésie/Gallimard »). Archives Éditions Gallimard

Fureur et mystère en
« Poésie/Gallimard »,
édition de 1967

« Certes, il faut écrire des poèmes, tracer avec de l’encre silencieuse la fureur et les sanglots de notre humeur mortelle, mais tout ne doit pas se borner là. Ce serait dérisoirement insuffisant », confie René Char à son copain Francis Curel, en 1941. Les récents événements politiques, la guerre, le nazisme, la Collaboration requièrent, à son sens, à la fois le silence de l’écrivain et l’action secrète de l’homme. Démobilisé lors de l’armistice de 1940 après avoir combattu en Alsace, Char s’est donc engagé dans la Résistance sous le nom de Capitaine Alexandre ; et, contre l’« incroyable exhibitionnisme » dont font alors preuve « trop d’intellectuels », il a choisi de ne rien publier durant le temps que durerait l’Occupation. Ce qui ne l’empêche bien naturellement ni d’écrire, ni déjà de songer à un livre qui se placerait sous l’« exaltante alliance » de la fureur et du mystère : « c’est un peu solennel, mais c’est une ville de greniers et de pas millionnaires le rapprochement de ces deux mots », explique-t-il à un autre copain, Gilbert Lely, le 15 octobre 1941. 
Depuis 1940, son existence est rude. Il s’est retiré à L’Isle-sur-le-Sorgue puis dans les Basses-Alpes, à Céreste. Au mur de sa chambre chez ses amis Roux, une reproduction du Prisonnier de Georges de La Tour, avec une photographie d’Arthur Rimbaud à seize ans ; et sur la table, une boîte bleue, ronde et plate, qui contient tantôt des détonateurs, tantôt du tabac. Les poèmes qu’il écrit s’apparentent alors aux aphorismes d’Héraclite, mais s’en distinguent en ceci que les textes du Grec reposent sur une totalité dont nous ne possédons plus que des éléments épars. Char cherche à prolonger le Le Marteau sans maître  (1934) et les autres textes qu’il a publiés avant-guerre dans les revues surréalistes, où il exprimait déjà une forme éruptive de révolte, rimbaldienne celle-là contre les mœurs et contre une certaine pratique archaïque de la poésie, « pourrie d’épileurs de chenilles, de rétameurs d’échos ». Dans un carnet qui ne le quitte pas, il consigne aussi sous forme de notes ses pensées ; il rapporte, dans l’urgence, la mort de ses amis résistants, comme celle de Roger Bernard, abattu par les SS à portée de son propre fusil mitrailleur. Il se dégage de ces feuillets une impression paradoxalement contemplative. « Ces notes n’empruntent rien à l’amour de soi, à la nouvelle, à la maxime ou au roman. Un feu d’herbes sèches eût tout aussi bien été leur éditeur ». En juillet 1944, au moment de partir pour Alger, Char cache soigneusement son carnet des jours de résistance. Il entre en rapport avec la revue Fontaine, à laquelle il donne plusieurs poèmes à partir du mois d’août, ainsi qu’aux Cahiers d’Art et àL’Eternelle Revue, créée par Eluard dans la clandestinité. En septembre, il retrouve son carnet, qu’il s’empresse de détruire, non sans avoir pris copie de la partie « Journal » et des notes, intitulant l’ensemble Feuillets d’Hypnos. Après quoi, il essaie de mettre de l’ordre dans sa « manière de voir et d’éprouver qu’un peu de sang a […] tachée, à [s]on corps défendant ».


(Poésie de René Char -Ed. Poésie/Gallimard - 1967)

05/07/2011

Poème du Jour...

POETES

 

La tristesse des illettrés dans les ténèbres des bouteilles

L'inquiétude imperceptible des charrons

Les pièces de monnaie dans la vase profonde

Dans les nacelles de l'enclume

Vit le poète solitaire

Grande brouette des marécages.

 

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