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30/12/2011

La santé en question...


Etienne Caniard par franceinter

25/03/2010

L'Amour dans le Banquet de Platon

 

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Le Banquet nous offre une autre explication de l'amour, Diotime, qui représente Platon lui-même, le définit la génération dans la beauté, et le rattache au désir d'immortalité qui travaille tous les êtres vivants. L'homme veut se survivre à lui-même, et tous les travaux des ambitieux et des artistes ont pour but l'immortalité ; mais leurs efforts ne perpétuent que leur nom, tandis que l'amour perpétue l'homme lui-même dans ses enfants. Voilà pourquoi c'est un sentiment universel, qui gouverne non seulement les hommes, mais tous les êtres vivants. Cette explication de l'irrésistible instinct qui porte les sexes l'un vers l'autre est certainement ce que l'on a trouvé jusqu'ici de plus juste et de plus profond sur ce sujet.

Mais Platon va plus loin. Il prétend que la génération charnelle n'est que le premier degré de l'amour, et qu'une âme bien née doit s'élever de l'amour des corps à l'amour des âmes, puis à l'amour des sciences, pour aboutir à l'amour de la beauté absolue, théorie fameuse, puis égale en célébrité celle du Phèdre, mais plus brillante que solide. Elle repose en effet sur la confusion des choses d'un ordre tout à fait différent. L'amour proprement dit, la vertu et la science n'ont pas le même but et ne relèvent pas des mêmes facultés. L'amour est un instinct physique qui vise à la perpétuité de l'espèce ; la vertu relève de la conscience et recherche la perfection individuelle ; enfin la science naît de la curiosité et a pour objet la connaissance. Le fossé qui sépare ces trois choses nous paraît infranchissable. Il n'existait pas pour Platon qui soutient partout que le beau, le bien et le vrai sont inséparables, que tout est bon est beau, et que connaître le bien, c'est le faire. Dès lors l'enthousiasme qu'il ressent pour la beauté lui semble du même ordre que celui que lui inspirent la vertu et la science.

Platon commet une autre confusion quand il prend pour de l'amour ce qui n'en est qu'une déviation maladive. A ses yeux l'amour de la femme est un amour inférieur ; seul, l'amour de l'homme pour l'homme est digne de séduire une âme généreuse, née pour la philosophie. Il est vrai que cet amour doit avoir pour but l'enfantement de la science et de la vertu dans l'âme du bien-aimé. Le manteau de la philosophie sert à couvrir ici de singuliers égarements, et l'on aurait bien de la peine à prendre Platon au sérieux si l'on ne savait combien il est difficile aux meilleurs esprits d'échapper aux erreurs de leur temps *.

(*Il faut noter pourtant que dans le Banquet de Xénophon, Socrate s'élève résolument contre la pédérastie. Il est vraisemblable que Platon, si tendre avec la beauté masculine, prête ici encore ses propres idées à son maître.)

On trouve encore dans le Banquet deux autres explications de l'amour, ce dont il ne faut pas s'étonner, car l'amour est un sentiment complexe, qu'on peut considérer de points de vue divers. Le médecin Eryximaque explique l'harmonie du monde par l'amour, qui est l'union des contraires. Chez les hommes aussi les contraires s'attirent, et c'est leur attrait réciproque qui constitue l'amour humain : c'est parce que l'homme et la femme différent qu'ils sont portés à se rapprocher ; la faiblesse attire la force et de leur union résulte l'harmonie. A cette théorie métaphysique, Aristophane oppose la doctrine contraire du semblable attiré par le semblable. Selon lui, nous ne sommes plus que des moitiés d'homme, et chacun de nous cherche sa moitié pour réformer l'unité primitive. Ainsi, tout en partant d'un principe opposé, la théorie d'Aristophane aboutit à l'unité, comme celle d'Eryximaque, mais elle est moins exacte et moins vraie. L'amour est lent à se former entre des personnes qui se ressemblent, elles s'arrêtent plutôt à l'amitié ; il éclate au contraire subitement et avec violence entre des personnes de caractère opposé. Ce que nous cherchons, entre autres choses, dans l'amour, c'est l'attrait de l'inconnu, et lorsque notre curiosité est satisfaite, notre passion s'émousse et fait place à l'indifférence : c'est ce qui explique l'inconstance, une des misères que l'amour traîne à sa suite.

Malgré la variété des points de vue où Platon s'est placé, il n'a pas épuisé le sujet, qui d'ailleurs va se compliquant avec le progès de la civilisation ; car l'humanité se comporte envers l'amour comme les orateurs du Banquet : elle le pare de toutes les perfections et lui fait hommage de tout ce qu'elle invente et découvre de raffinements et de délicatesses dans le monde du sentiment. Mais son regard pénétrant a démêlé l'essentiel ; il a su discerner dans l'obscurité de l'instinct le but que poursuit la nature et les moyens dont elle se sert pour y conduire les hommes. Ce n'était pas sans raison que Socrate, ou plutôt Platon qui parle, par sa bouche, se vantait d'être savant en amour.

 

(Extrait du Banquet de Platon... suite et fin)

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