Allez les yeux invisibles vers le beau.

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30/04/2014

Noam Chomsky...

chomsky,bon sens,cartésien,blog,intellectuel, américain,philosophe,idéologieVous avez déjà décrit dans vos ouvrages comment les idéologues professionnels et les mandarins occultent la réalité. Vous avez également évoqué – vous parlez d’ailleurs parfois de ‘bon sens cartésien’ – les capacités de bon sens que chacun d’entre nous possède. C’est d’ailleurs ce bon sens que vous mettez en avant en montrant les aspects idéologiques derrière certains débats, notamment ceux qui agitent les sciences sociales contemporaines.

Qu’entendez-vous exactement par ‘bon sens’ ? Qu’est-ce que cela veut dire dans une société telle que la nôtre ? Vous avez écrit à ce sujet, que, dans une société à la fois excessivement compétitive et fragmentée, les gens ont beaucoup de mal à savoir où se trouvent leurs intérêts. Lorsqu’on ne peut pas véritablement participer à la vie politique et si notre rôle se résume à celui du spectateur passif, alors, quel genre de connaissance peut-on avoir ? Comment le bon sens peut-il émerger dans un tel contexte ?

Chomsky : Je vais vous donner un exemple. Souvent, quand j’écoute la radio au volant de ma voiture, je tombe sur des débats ayant trait au sport. Il s’agit de conversations téléphoniques. Les auditeurs appellent et se lancent dans des discussions à la fois longues et complexes, qui, à l’évidence, mettent en œuvre un haut degré de réflexion et d’analyse. Ces personnes savent énormément de choses. Elles connaissent toutes sortes de détails compliqués et se livrent à des discussions interminables afin de savoir par exemple si la décision prise la veille par l’entraîneur était la bonne ou non, etc. Il ne s’agit pas de professionnels mais bien de personnes tout à fait ordinaires qui mettent leur intelligence et leurs capacités d’analyse au service de ces domaines. Elles accumulent une quantité énorme de connaissances et, je pense, de compréhension. A contrario, lorsque j’entends des gens parler d’affaires internationales ou intérieures, c’est incroyablement superficiel.

Ce sentiment peut être en partie lié aux domaines de prédilection qui sont les miens, mais je pense ne pas me tromper. Je pense également que l’intérêt porté à des sujets tels que le sport s’explique : le système est organisé de telle manière que pratiquement personne ne peut agir sur le monde réel sans un degré minimum d’organisation qui est sans commune mesure avec ce qui existe aujourd’hui. C’est comme si ces personnes vivaient dans un monde imaginaire, et c’est bel et bien ce qui se passe. Je suis convaincu que ces personnes exploitent réellement leur bon sens et leurs capacités intellectuelles, mais elles le font au service d’un sujet qui n’a aucune importance, et qui jouit sans doute de cette popularité justement parce qu’il n’a aucune importance ; on observe en quelque sorte un contournement des problèmes graves sur lesquels les citoyens n’ont aucune influence, ni aucune prise, parce qu’il se trouve que le pouvoir réside ailleurs.

Il me semble que ces capacités intellectuelles, cette aptitude à l’entendement, cette faculté à rechercher les preuves et les informations, à résoudre les problèmes pourraient être exploitées – seraient exploitées – sous des formes de gouvernement où le peuple prend part aux décisions importantes, et dans des domaines qui touchent véritablement la vie humaine.

Certes, certains sujets sont difficiles et certains domaines exigent un savoir spécialisé. Ce que je propose n’a rien à voir avec un anti-intellectualisme, je pense simplement que beaucoup de choses peuvent très bien être comprises, même en l’absence de connaissances profondes et spécialisées. D’ailleurs, l’acquisition d’un savoir spécialisé dans ces domaines n’est pas impossible, pour peu qu’on s’y intéresse.

Partons de cas simples, par exemple, l’invasion russe en Afghanistan : c’est une situation assez simple. Tout le monde comprend immédiatement, sans qu’aucune connaissance spécialisée ne soit requise, que l’Union Soviétique a envahi l’Afghanistan. C’est exactement de cela qu’il s’agit. Ce point ne peut pas être débattu, il ne s’agit pas d’une question ardue et difficile à comprendre. Il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire de l’Afghanistan pour comprendre ce qui se passe. Bien. A présent, intéressons-nous àl’invasion américaine du Sud Vietnam. Cette formulation elle-même est étrange. Je crois bien que cette formulation n’a jamais été utilisée, je doute que l’on puisse trouver une seule occurrence de cette formulation dans la presse généraliste ou autre, y compris dans la presse de gauche pendant la guerre. Pourtant, c’était bien une invasion du Sud Vietnam perpétrée par les EU, tout comme on parle d’une invasion russe de l’Afghanistan. En 1962, dans l’indifférence générale, des pilotes américains (pas de simples mercenaires mais de véritables pilotes américains) ont mené des bombardements meurtriers contre des villages vietnamiens. Ce n’était ni plus ni moins qu’une invasion américaine du Sud Vietnam. L’objectif de ce raid était de détruire le tissu social du sud Vietnam rural afin de décimer une résistance que le régime soutenu et imposé par l’Amérique avait fait naître en raison de la répression qu’il exerçait et qu’il était incapable de contrôler bien qu’environ quatre vingt milliers de sud vietnamiens avaient déjà trouvé la mort depuis le refus de la ratification des Accords de Genève de 1954 qui devaient aboutir à un règlement politique du conflit.

Il y a donc eu une offensive des EU contre le Sud Vietnam au début des années 60, sans parler de la fin des années 60 qui virent l’arrivée de corps expéditionnaires américains visant à occuper le territoire et à détruire la résistance indigène. Cet épisode n’a pourtant jamais été présenté ni même pensé comme une invasion américaine du Sud Vietnam.

Je ne suis pas très au fait de l’opinion publique russe, mais j’imagine que là bas, l’homme de la rue serait surpris d’entendre parler d’une quelconque invasion russe de l’Afghanistan. Ils défendent l’Afghanistan contre les complots du capitalisme et contre les bandits protégés par la CIA, etc. Mais je pense qu’il n’aurait aucun mal à comprendre que les Etats-Unis ont envahi le Sud Vietnam.

Ces sociétés sont très différentes : les processus de contrôle et d’endoctrinement y fonctionnent d’une manière complètement différente. Certes, on ne peut pas comparer l’usage de la force avec le recours à d’autres méthodes. Cependant, les effets sont pratiquement identiques, et ces effets se répandent dans l’élite intellectuelle même. En fait, je pense que l’élite intellectuelle représente la catégorie la plus endoctrinée, et ce, pour de bonnes raisons : son rôle, en tant que clergé séculier, est de véritablement croire aux inepties qu’elle avance. Les autres peuvent se contenter de répéter, mais il n’est pas essentiel qu’ils y croient vraiment. Il est en revanche fondamental que l’élite intellectuelle, elle, y croit, dans la mesure où, au final, c’est elle la gardienne de la foi. Il est très difficile d’apparaître comme l’un des défenseurs de la foi à celui qui n’a pas intégré cette foi ou qui n’a pas fini par devenir un croyant lui-même, à moins d’être un menteur hors pair. Figurez-vous que les intellectuels me lancent des regards vides d’incompréhension quand je fais allusion à l’invasion américaine du Sud Vietnam, tandis que quand je m’adresse à des auditoires plus larges, les gens ne semblent pas avoir de grosses difficultés à saisir les points importants, une fois que les faits leur ont été rendus accessibles. Tout cela est parfaitement normal, c’est ce que l’on peut attendre d’une société construite comme la nôtre.

Quand je parle du bon sens cartésien, par exemple, ce que je veux dire c’est qu’il n’est pas nécessaire d’être doté de connaissances extrêmement poussées ou spécialisées pour comprendre que les Etats-Unis ont envahi le Sud Vietnam. Ni même pour démonter ce système fait d’illusions et de supercheries qui est mis en œuvre pour empêcher la compréhension de la réalité contemporaine ; ce n’est pas une tâche qui requiert un talent ou une intelligence particulière. Elle nécessite une certaine dose de scepticisme et la volonté d’utiliser les capacités analytiques dont la majorité des gens est douée et qu’ils sont en mesure d’exploiter. Il se trouve qu’ils les exploitent afin d’analyser ce que devrait faire l’équipe des New England Patriots le dimanche suivant au lieu d’analyser des sujets qui touchent réellement à la vie des êtres humains, y compris la leur.

 

Source : Blog sur Noam Chomsky

02/04/2013

Théorie(s) situationniste(s)...

situationnisme,debord,engagement,thèses,comprendrte,savoir,réflexion,idéologie,intelligenceLe projet situationniste repose sur :

  • la révolution de la vie quotidienne, projet libertaire et hédoniste que l'on pourrait résumer par ce slogan : « Vivre sans temps mort et jouir sans entrave ».

La révolution de la vie quotidienne ne peut se faire que dans le cadre de l'autogestion généralisée, sur des bases égalitaires, et en supprimant les rapports marchands. Elle s'appuie sur plusieurs idées :

  • l'abolition du spectacle en tant que rapport social ;
  • la participation des individus (refus des représentations immuables) ;
  • la communication (refus des médiations en tant que séparées3) ;
  • la réalisation et l'épanouissement de l'individu (opposés à son aliénation) : le libre usage de soi-même est un des aspects de cet épanouissement, mais globalement, la subjectivité radicale de chacun-e est censée se développer dans le refus des contraintes de la rentabilité, et ce dans tous les domaines, tout en gardant la responsabilité de ses actes ;
  • l'abolition du travail en tant qu'aliénation et activité séparée de la vie qui va, résumée par un slogan, que Guy Debord s'attribue, écrit à la craie sur un mur du quai aboutissant sur la Seine de la rue de Seine en 1952 (à Paris) : « Ne travaillez jamais » ;
  • le refus de toute activité séparée du reste de la vie quotidienne : les situationnistes luttent pour l'abolition de l'art contemplatif, des loisirs en tant que séparés de la vie de tous les jours, de l'Université et pour la réunification de toutes les activités humaines : la fin de la division du travail et des séparations entre les différentes sciences. Ils ne font ainsi que reprendre le projet communiste de Marx : l'autogestion communiste permet à l'activité de production de ne plus être un travail4 et de fusionner avec toutes les autres activités humaines sous une forme artistique et poétique. Ainsi, l'activité de production n'est plus séparée de la réalisation individuelle, des loisirs et de la sexualité. De manière plus générale, le projet situationniste aspire à ce que toutes les activités humaines prennent une forme poétique : celle de la libre création de situations par les individus.

Pour décrire le stade moderne du capitalisme, Guy Debord réutilise le concept de « spectacle » évoqué par Marx. Ce concept a plusieurs significations. Le spectacle est avant tout l'appareil de propagande du pouvoir capitaliste, mais c'est aussi « un rapport social entre des personnes médiatisé par des images ».

« Le spectacle est la religion de la marchandise »

Il apparaît avec la société de consommation, dans les années 1930Guy Debord distingue trois formes de spectacle, dont la dernière succède aux deux autres :

  1. le spectaculaire concentré des sociétés totalitaires (capitalisme d'État) ;
  2. le spectaculaire diffus des sociétés libérales ;
  3. le spectaculaire intégré, qui est la fusion des deux premiers dans le cours de l'histoire. Anticipant ainsi la chute des démocraties socialistes et leur intégration dans le système capitaliste global il offre une première définition de la post-politique.

Alors qu'en Union soviétique et dans les pays de l'Est le spectacle se concentre sur la personne du dictateur (Staline puis Khrouchtchev puis Brejnev), le spectacle se présente dans les sociétés libérales occidentales de manière diffuse, sous la forme de marchandises qui contiennent toute la propagande de l'idéologie capitaliste. Guy Debord observe que dans les années 1980 les deux formes de spectacle ont fusionné sous la forme du « spectaculaire intégré » : désormais, le spectacle n'est plus seulement dans la marchandise, les rapports sociaux auxquels elle prédispose ou dans la simple propagande du pouvoir, « désormais, le spectacle est présent partout. » Il régit tout dans les relations entre les personnes, puisque désormais tous les rapports sociaux tendent à devenir des rapports marchands : les rapports sociaux ne sont plus que des rapports de signifiants, autrement dit de simulacres. Ils sont eux-mêmes des simulacres.

Au-delà même des rapports sociaux, le spectaculaire intégré est présent dans les choix de l'architecture, la géographie, le modelage des paysages, des consciences, la falsification de la nourriture et même la dégradation de la nature (pollutions diverses, radioactivitéréchauffement climatique,organismes génétiquement modifiés).

De nos jours, plusieurs organisations du mouvement altermondialiste puisent une partie de leurs idées dans la philosophie situationniste. Des groupes comme Antipub ou des écrivains comme Naomi Klein affirment s'inspirer des écrivains situationnistes.

 
source wikipédia