06/10/2014
Trois maîtres de vie... (29)
C'est essentiellement à partir de ces matériaux qui ont été élaborée les "vies du Bouddha", genre littéraire à part entière qui a fleuri à partir des IIe ou IIIe siècles de notre ère, mais qui n'est intégré au canon d'aucune école du bouddhisme comme le sont les Evangiles dans le christianisme. La raison de cette absence, que l'on ne retrouve dans aucune autre tradition religieuse, est la mise en garde réitérée du Bouddha contre le culte de la personnalité. Les anecdotes concernant sa vie, rapportes dans le Canon bouddhiste, figurent à titre d'exemples, mais sont chronologiquement citées dans le désordres, les biographes ayant par la suite reconstitué la vie du Bouddha à partir de ses sources dispersées. Se sont-ils aussi fondés sur un récit établi lors du deuxième concile et dont on aurait perdu la trace, comme l'affirme la tradition ? De cela nous n'avons aucune preuve. Consacrées dans un premier temps au parcours du Bouddha jusqu'à son Eveil et son premier sermon, les "vies du Bouddha" ont, au fil des siècles, évoqué les quarante-cinq années de sa vie de prédicateur. Elles ont aussi, de toute évidence, systématiquement intégré une part de merveilleux, mêlant les miracles et les prouesses surhumaines au récit du parcours d'un homme qui, un jour, décida de tout abandonner pour partir en quête de la vérité.
(extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. "Fayard" - 2009)
Suite & Fin
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29/08/2014
Trois maîtres de vie... (28)
... Que faut-il retenir de cet ensemble de textes ? Son objectivité - il prétend rapporter littéralement les paroles du Bouddha - est évidemment aléatoire. D'une part, parce que en dépit des capacités mnémotechniques surdéveloppées des moines il est tout à fait naturel qu'au fil des générations des altérations, des omissions, des ajouts, des enjolivements, des précisions, aient été apportés au discours d'origine. Par ailleurs, les moines ont probablement imprimé sur ces enseignements en pali la marque de leur école, le Theravada, à un moment où les divisions apparaissaient au sein du bouddhisme. Une fois ces réserves émises, il faut néanmoins reconnaître un substrat historique aux textes pali. Les descriptions indirectes qu'ils font de l'Inde religieuse des VIe et Ve siècles avant notre ère sont corroborées par d'autres sources non bouddhistes, notamment par les textes du jaïnisme, religion légèrement antérieure au bouddhisme. Mais, surtout, les précisions qu'ils fournissent au sujet du védisme, la religion dominante de l'époque constituent à elles seules une preuve que ces textes n'ont pas été inventés de toutes pièces au tournant de notre ère, ni même dans les deux ou trois siècles qui l'ont précédée : le védisme avait en effet alors cédé le pas à ce que l'on appelle aujourd'hui l'hindouisme. Par ailleurs, les détails historiques que recèlent les textes pali - qui citent des noms de rois ayant effectivement existé à cette époque, comme Bimbisara souverain du Magadha, qui décrivent aussi l'émergence de la vie citadine en des lieux précis, des strates sociales, des conventions usitées -, tous ces détails sont corroborés par les archéologues et les historiens. Cette abondance de précisions historiques avérées confirme l'existence d'un substrat réel aux pérégrinations, gestes et paroles du Bouddha tels qu'ils sont rapportés par la tradition.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed."Fayard" - 2009)
à suivre...
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01/07/2014
Trois maîtres de vie... (27)
... La tradition bouddhiste affirme que ce que l'on appelle "les Trois Corbeilles" ou Tipitaka, le triptyque formant le canon pâli de l'école des Anciens, a été forgé entre les deux conciles. Le Tipitaka est considéré par la tradition comme une transcription des enseignements originels du Bouddha. Il est formé de trois parties. la première, le Vinaya pitaka, édicte les règles monastiques et explicite, par des références à la vie du Bouddha, les circonstances dans lesquelles elles ont été établies. La deuxième partie, le Sutta pitaka, englobe près de dix mille sermons et discours du Bouddha et de ses proches disciples, répartis en cinq recueils. Même s'ils sont essentiellement axés sur la doctrine et les croyances Bouddhistes, ces discours comportent des éléments biographiques et permettent, par recoupements, de suivre les quarante-cinq ans de prédication du Bouddha, jusqu'à sa disparition. Enfin, une troisième partie, appelée Abhidhamma pitaka, subdivisée en sept chapitres, est consacrée aux enseignements philosophiques, et contient en particulier une analyse approfondie des principes qui gouvernent les processus physiques et mentaux. La tradition veut que l'Abdhidhamma ait été transmis par le Bouddha au Cours des quatre semaines qui ont suivi son Eveil ; il n'a toutefois été intégré au canon que dans une phase ultérieure, lors d'un troisième concile de l'école Theravada, ce qui rend assez suspecte cette filiation directe.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. " Fayard" - 2009)
à suivre...
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15/06/2014
Trois maîtres de vie... (26)
... La tradition affirme que l'origine de cette transmission remonte aux disciples du Bouddha lui-même, les premiers moines qui l'ont connu et côtoyé, et qui, dès sa mort, vers 483 avant notre ère, ont souhaité préserver sa mémoire et son enseignement. Un demi-siècle après la mort du Bouddha, ces moines, qui mènent le plus souvent une vie itinérante, sillonnant villes et villages pour raconter ce qu'ils ont appris, tiennent leur premier concile. Il est possible que certains d'entre eux aient connu le Bouddha de son vivant. Ensemble, ils tentent d'établir un canon oral, c'est-à-dire de s'entendre sur ce qu'il faut transmettre, et sur la manière de le transmettre. Un certain nombre de règles et de formules établies à ce moment charnière se retrouveront dans les écrits ultérieurs. Un deuxième concile se tient cinquante ans après le premier. C'est là que le bouddhisme se subdivise en écoles, épisode sur lequel je reviendrai.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. "Fayard" - 2009)
à suivre...
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20/05/2014
Trois maîtres de vie... (25)
Hormis les édits gravés de l'empereur, les premiers écrits bouddhistes à nous être parvenus datent seulement du 1er siècle avant notre ère. Rédigés en pali, la langue parlée dans le nord de l'Inde, assez proche du magadhi qui était en usage à l'époque du Bouddha, ils servent de référence quasi exclusive à l'école bouddhiste Theravada, dite aussi des Anciens, les autres écoles, comme celle de Mahayana, y adjoignant d'autres enseignements. Ces textes, écrits environ quatre siècle après la mort du Bouddha, sont très probablement le fruit d'une longue transmission orale Habitués à consulter des sources écrites - et désormais audio-visuelles et numériques -, nous avons oublié l'importance de la mémoire et de la transmission orale dans les sociétés traditionnelles. D'immenses récits pouvaient êtres appris et transmis fidèlement de génération en génération. De nos jours, en Inde par exemple, des récits-fleuves de milliers de vers avec une grande fidélité, bien qu'ils aient aussi été mis par écrits depuis longtemps. La vie et les enseignements du Bouddha ont donc été transmis oralement pendant plusieurs siècles, en un temps où la mémorisation était aussi usuelle que la mise par écrit aujourd'hui, soutenue par des procédés mnémotechniques comme la versification, la répétition, la mise en formules, le chant.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. "Fayard" - 2009)
à suivre....
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23/04/2014
Trois maîtres de vie... (24)
(suite...)
Dans ces édits, gravés et proclamés dans l'ensemble de son royaume, il appelle à l'adoption de règles morales inspirées des préceptes du Bouddha : "Le don (du dharma) consiste à traiter équitablement esclaves et serviteurs, à obéir à sa mère et à son père, à être généreux pour les amis, les parents, les prêtres, les ascètes, et à ne pas tuer d'animaux." Dans l'un de ces édits, le souverain exprime très clairement son intention de transmettre à la postérité la loi bouddhiste : " Dans le passé, il n'y avait pas porteurs de la parole du dharma, mais j'ai appointé des prêtres treize ans après mon couronnement. Maintenant, ils oeuvrent au sein de toutes les religions pour l'établissement du dharma, pour la promotion du dharma, et pour le bien-être et le bonheur de tous ceux qui se dédient au dharma. Ils oeuvrent parmi les Grecs, les Gandharas, les Rastrikas, les Pitinikas et d'autres peuples sur les frontières ouest. Ils oeuvrent parmi les soldats, les chefs, les brahmanes, les pauvres, les vieux et ceux qui se dédient au dharma, pour le bien-être et leur bonheur (...). Cet édit du dharma a été écrit sur la pierre, pour qu'il dure longtemps et que mes descendants travaillent conformément à ce qu'il édicte." Comme plus tard l'empereur romain Constantin pour le christianisme, Ashoka fut une pièce maîtresse dans l'essor du bouddhisme dans toute l'Asie.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. "Fayard" - 2009)
à suivre...
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27/03/2014
Trois maîtres de vie... (23)
(Suite... ) Parce qu'il a vécu en un temps lointain et dans une société où l'écriture était peu répandue, c'est du Bouddha que nous disposons le moins de traces historiques proches et fiables. Selon toute vraisemblance, le Bouddha est né et a vécu en Inde au VIe siècle avant notre ère. Les premiers traces écrites, se référant non pas tant à lui qu'à son enseignement, datent d'à peu près deux siècles et demi après sa mort. Il ne s'agit pas de textes, mais de stèles royales : les stèles du roi Ashoka, qui a régné sur une grande partie du sous-continent indien englobant l'actuel Afghanistan jusqu'au Bengale, entre environ 269 et 232 avant notre ère. D'abord souverain tyrannique, Ashoka s'est converti à la loi bouddhiste (dharma) alors qu'il avait à peine une vingtaine d'années. Dès lors, il a fait graver sur des stèles, des parois de caverne, des colonnes et des blocs de stèles, des parois de caverne, des colonnes et des blocs de granit des sentences proclamant son aversion pour la violence et son adhésion aux enseignements du dharma. Ces sentences sont souvent accompagnées d'un dessin : une roue qui symbolise la roue du dharma, la loi mise en mouvement par le Bouddha.
(Extrait de "Socrate, Jésus, Bouddha" de Frédéric Lenoir - Ed. "Fayard" - 2009)
à suivre...
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