28/07/2015
Message des hommes vrais au monde mutant... (3)
... A la fin, le tempo de la musique ralentit et les mouvements s'apaisèrent, puis cessèrent. Seule persista une pulsation régulière qui semblait synchrone avec les battements de mon coeur. Tous étaient calmes et silencieux. Ils regardaient leur chef qui se leva, s'approcha et se plaça debout devant moi en souriant. Un indescriptible sentiment de communion s'établit entre nous. J'avais l'impression que nous étions de vieux amis. Evidemment, il n'en était rien. Pourtant, sa présence me mettait à l'aise et je me sentis acceptée.
(Extrait de "Message des hommes vrais au monde mutant" de Marlo Morgan - Ed. "J'ai Lu" - 2010)
à suivre...
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25/06/2015
Chemins & Dialogues (extrait)...
Chemin… (9)
L’être qui pratique la méditation espère atteindre l’éveil, cela nécessitera une
éminente connaissance de soi. Il ne faudra en aucun cas troubler sa conscience lors de
l‘invocation, nous nous trouverons, dans l’obligation que celle-ci prenne toute sa grandeur
par sa révélation au monde. Ne pas en disperser la pensée dans ces moments-là demeurera
incontournable. Elle captera par cette concision la nature même de sa voix. Je veux dire par
là : que le langage universel de ses sens s’infiltrera par son inconscient et remontera vers ce
qui existera… Que tout ce qui viendra à son esprit ne puisse être le résultat de ses
impressions. Une fois, responsabilisé, son inconscient rejettera tous les déchets pour vivre
tous les bonheurs dans le coeur de l’homme. Dans une merveilleuse métamorphose, une
langue clairvoyante sortira de son discernement pour mieux domestiquer la réalité ultime,
qui devant l’humain par son intelligence saura en percevoir l émulation de son mental,
dont le positif sera le meilleur pour nous.
&…
Dialogue… (9)
La méditation apparaît sur le point d’être optimale par la parfaite connaissance de soi,
l’humain s’en réserve le droit. Une petite lumière intense se doit par le coeur en conscience de se
concevoir en confiance, par cette âme qui s’éveille au monde. Ne pas l’importuner dans ces moments-là,
car elle grandit dans la synthèse concise d’un verbe à exister. L’universel langage se réalise à
travers l’esprit d’autrui et se reflète par ses sens à la planète entière… L’homme par sa conscience en
positif tout l’aspect par sa concentration et son intelligence pour mieux les délivrer et les restituer à
ses semblables grâce à la télépathie. De tout son mental, il nous donne le meilleur, sachons en
percevoir et recevoir l’éveil à la contemplation.
(Pensées Philosophiques & spirituelles de Pôl Kraly in "Chemins & Dialogues")
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26/01/2015
Ce que doivent être les choses... (Chapitre 1)
Paris, octobre 2031.
1
Le jour de ma rencontre avec Nyad et Lian, j’étais en compagnie de Prat, mon meilleur ami. Mon nom est Lôl. Après avoir été comédien — à l’époque je l’appelais « l’artiste ambulant » — Prat était devenu peintre mural. Il peignait des anges à la perfection, on le demandait pour cela. Nous vivions en communauté d’artistes sous un même toit. Prat et moi étions les plus âgés, j’abordais mes 78 ans et lui, ses 79 ans. Je travaillais encore pour notre contribution à la solidarité, j’avais abandonné l’écriture de romans pour devenir écrivain public. La société nous imposait un travail pour que nous soyons acceptés. Toutes les personnes se devaient d’exercer un métier d’entraide, peu importait l’âge. Nous étions sur le parvis de la basilique du Sacré-Cœur où Prat avait, à l’intérieur, peint des chérubins, lorsque nous vîmes, devant nous, deux anges, sorte d’apparition, se tenir par la main. Il ne suffisait donc pas de voir des anges dans une église, il y en avait aussi à l’extérieur ! Cette image restera gravée longtemps dans ma mémoire, car peu habituelle en 2031. Tout comme il était prudent, de nos jours, de cacher notre supposé athéisme, surtout pour moi, — la suite vous en révèlera l’extraordinaire — car on ne plaisantait pas avec cela, tout signe ostentatoire était mal vu, comme le fait de se tenir la main par exemple. C’était l’un des nombreux paradoxes de notre époque.
Lian vint vers nous et m’accosta :
— Je vous connais.
— Vous me connaissez ?, répondis-je.
— Oui, j’ai lu l’un de vos livres, Loémé, dans lequel vous parliez des « Éveilleurs de conscience ».
— Mon premier livre, effectivement. Mais comment se fait-il que vous me connaissiez, j’ai arrêté d’écrire depuis plus de vingt ans, on ne parle plus de moi nulle part.
— J’ai communiqué par l’esprit, me répondit-il, un sourire aux lèvres.
Effectivement, de nos jours, beaucoup des gens de la ville s’exprimaient par la pensée, il y avait même des professeurs pour cela qu’on appelait, en souriant, « les grands communicants ». Mais de nombreuses personnes, tel Lian, s’imposaient cette « gymnastique » toute cérébrale en groupe ou individuellement.
– Il me suffit, poursuivit-il, d’avoir lu un livre de vous pour que je puisse communiquer avec votre pensée. Mais la vôtre n’est peut-être pas réceptive, dit-il, non sans quelque audace.
J’avais depuis longtemps abandonné l’idée de fonctionner par télépathie, l’exercice n’était plus de mon âge. Le dialogue n’était pour certains qu’un complément, une précision de la pensée, un substitut ; pour d’autres, il n’y avait que le langage, à l’irréversibilité rassurante. On se méfiait de ceux qui ne juraient que par la télépathie. « Les Penseurs », comme on s’amusait à les appeler, étaient des gens doués capables de s’adapter à ce monde mieux que nous. Ces êtres d’intelligence certaine avaient un sens du raisonnement, un esprit agile et perspicace propre aux personnes très influentes.
— Que vous reste-t-il de cette lecture ?, me permis-je d’avancer.
— Mon éducation, répondit-il. Il poursuivit :
— Je vais vous présenter Nyad.
Celle-ci, d’un pas gracieux, s’avança d’emblée vers nous, j’étais conquis par cette jeune fille à la peau métissée ; Prat aussi était sous son charme.
Ses premiers mots, qu’elle prononça en nous tendant la main, semblèrent venir d’une autre planète :
— Je parviens à recevoir de belles ondes de vous.
Prat renchérit :
— Qu’est-ce que vous entendez par belles ondes ?
— Vos ondes de naissance.
— Ondes de naissance ?, dis-je sans comprendre.
Dans un langage magnifique, elle spécifia :
— Celles qui, en ce moment précis, vous transportent près de nous.
— J’avoue ne pas comprendre…
Le doigt sur les lèvres, elle ajouta :
— Vos ondes de naissance, qui sont les mêmes que celles de Lian et moi, se cristalliseront dans le temps. Vous comprendrez un jour.
Il y avait des êtres dont l’intelligence était étonnante. Prat et moi étions sous le charme de ces deux consciences élevées. S’adressant à nous, Lian précisa :
— Nos chemins sont liés, on se reverra.
Ils nous saluèrent, affichèrent dans le même temps un sourire magnifique, puis nous quittèrent. Deux chérubins s’envolèrent devant nos yeux ébahis. Prat devint un autre homme, tandis qu’un long frisson extrasensoriel me traversait le corps et gagnait mon cerveau. Nous restâmes quelques minutes sans voix, essayant de nous remettre de nos émotions.
Nous montâmes dans le« Flyingworld », un bus propulsé par l’énergie du vent. Depuis quelques années, déjà, les ingénieurs avaient réussi à mettre au point ce bus révolutionnaire, qui se déplaçait avec ce procédé et qui avait remplacé le tramway et voitures. Il existait encore de petits taxis — sorte de véhicules —, qui fonctionnaient avec la même énergie, mais de capacité d’accueil très restreinte. Depuis l’année 2025, « l’automobile », comme on la désignait à cette époque, n’appartenait plus à ce monde et ne faisait plus rêver. Paris était devenue une mégalopole dont le trafic arrivait à saturation. Vivaient là des gens de toutes origines et l’on y parlait souvent en anglais. La langue française n’avait pas perdu de son éclat ; c’était la deuxième à être distinguée dans le pays aux frontières éclatées. Des pourfendeurs de la langue des anciens Gaulois, assez nombreux cependant dans la capitale, s’exprimaient en français enrichi de mots à la consonance bien particulière, à la fois mélange d’anglais et de français, mais aussi d’autres langages. Lian qui venait de la province du « Hunan », avait fait de courts séjours dans plusieurs pays et il vivait à présent en France ; il était chinois, était très doué en informatique et avait acquis de nombreux pouvoirs surnaturels. Nyad, tout aussi puissante, était née en Afrique du Sud. Cela faisait six mois qu’ils vivaient à Paris. Je sus cela lors de notre deuxième rencontre que l’on fit le lendemain, assis sur l’herbe autour d’un bon repas, ce que Lian m’avoua, en toute amitié.
Nous arrivâmes devant « L’Aigle déchu », notre résidence. Prat et moi occupions la même chambre et la partagions avec une ancienne star de cinéma venue d’Allemagne. Avia Mankoff était beaucoup plus jeune que nous et approchait des 68 ans, elle avait tourné avec les plus grands. La plupart des films, aujourd’hui, étaient des documentaires spécialisés sur le comportement des êtres vivants, dans des milieux aux conditions biotiques. Nous gagnâmes notre chambre, Avia était nue devant le miroir, comme souvent. Elle se réfugiait dans le passé et le souvenir de sa jeunesse, époque où elle était adulée sous les flashes des photographes de la « presse people »,bien réduite de nos jours. Elle avait connu de multiples amants, tous richissimes, et ne vivait que dans le souvenir d’un bonheur fané, révolu. À la demande de Prat, toujours habile dans ce genre de situation, Avia se rhabilla. L’heure du dîner sonna, et nous descendîmes dans la cuisine. Nous nous installâmes à la grande table commune, où nous étions dix-huit. Le repas était assuré par deux personnes, Gylie, la plus âgée, et la jeune Lyane, qui n’avait pas vingt ans. Celle-ci était très sensible, d’une gentillesse extrême et d’une santé délicate. Cette jeune femme n’avait pas de parents légitimes et nous arrivait d’Alger. Elle était aux petits soins pour nous. Tout le monde la prenait en pitié et l’aimait. Même le gros Grato Samsor, ancien sculpteur, très bourru et parfois méchant, l’épargnait. On ne lui connaissait aucune relation avec des garçons de son âge, elle sortait très peu de l’enceinte de la résidence.
Ce jour-là, au dîner, la cuisine française était pour une fois à l’honneur, sous la forme d’un bœuf bourguignon cuisiné avec de la viande de synthèse. Ce plat tout à fait classique était cependant très rare à notre époque, car la nourriture, s’étant diversifiée, était devenue équilibrée. On arrivait à produire une gastronomie saine où tout était calculé, les consommateurs privilégiaient une nourriture cosmopolite, variée, dosée selon sa valeur nutritive et enrichie en apports caloriques et bioénergétiques.
Régulièrement, avant de m’endormir je lisais. Les auteurs étaient pleins de talents, d’une intelligence, d’une imagination débordante. Le contenu de ces lectures était si riche qu’il me guidait dans une certaine ligne de conduite. Dans les écoles, la façon de voir de ces stylistes était analysée, pour voir comment cela était enseigné, décrypté ; ces écrivains décrivaient le monde d’alors, réel et positif. Par leurs histoires, ils illustraient pour leurs lecteurs un monde d’images d’une telle force qu’il avait relégué le cinéma au second plan. Je me laissais captiver par lecture du livre électronique d’un jeune romancier allemand du nom de Léor Brogel un ouvrage au titre intrigant : Yris et devenir un autre.
(Extrait de "Ce que doivent être les choses" de Pôl Kraly - à paraître)
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25/07/2013
Les grands auteurs... (5)
« (...) La bonne allume les lampes : il est à peine deux heures, mais le ciel est tout noir, elle n'y voit plus assez pour coudre. Douce lumière ; les gens sont dans les maisons, ils ont allumé aussi, sans doute. Ils lisent, ils regardent le ciel par la fenêtre. Pour eux... c'est autre chose. Ils ont vieilli autrement. Ils vivent au milieu des legs, des cadeaux et chacun de leurs meubles est un souvenir. Pendulettes, médailles, portraits, coquillages, presse-papiers, paravents, châles. Ils ont des armoires pleines de bouteilles, d'étoffes, de vieux vêtements, de journaux ; ils ont tout gardé. Le passé, c'est un luxe de propriétaire.
Où donc conserverais-je le mien ? On ne met pas son passé dans sa poche ; il faut avoir une maison pour l'y ranger. Je ne possède que mon corps ; un homme tout seul, avec son seul corps, ne peut pas arrêter les souvenirs ; ils lui passent au travers. Je ne devrais pas me plaindre : je n'ai voulu qu'être libre.(...) »
« C'est par paresse, je suppose, que le monde se ressemble d'un jour à l'autre. Aujourd'hui, il avait l'air de vouloir changer. Et alors tout, tout pouvait arriver. »
« Je pris ma plume et j'essayai de me remettre au travail ; j'en avais par-dessus la tête, de ces réflexions sur le passé, sur le présent, sur le monde. Je ne demandais qu'une chose : qu'on me laisse tranquillement achever mon livre.
Mais comme mes regards tombaient sur le bloc de feuilles blanches, je fus saisi par son aspect et je restai, la plume en l'air, à contempler ce papier éblouissant : comme il était dur et voyant, comme il était présent. Il n'y avait rien en lui que du présent. Les lettres que je venais d'y tracer n'étaient pas encore sèches et déjà elles ne m'appartenaient plus.
« On avait pris soin de répandre les bruits les plus sinistres... »
Cette phrase, je l'avais pensée, elle avait d'abord été un peu de moi-même. A présent, elle s'était gravée dans le papier, elle faisait bloc contre moi. Je ne la reconnaissais plus. Je ne pouvais même plus la repenser. Elle était là, en face de moi ; en vain y aurais-je cherché une marque d'origine. N'importe qui d'autre avait pu l'écrire. Mais moi, moi je n'étais pas sûr de l'avoir écrite. Les lettres, maintenant, ne brillaient plus, elles étaient sèches. Cela aussi avait disparu : il ne restait plus rien de leur éphémère éclat.
Je jetais un regard anxieux autour de moi : du présent, rien d'autre que du présent. Des meubles légers et solides, encroûtés dans leur présent, une table, un lit, une armoire à glace – et moi-même. La vraie nature du présent se dévoilait : il était ce qui existe, et tout ce qui n'étais pas présent n'existait pas. Le passé n'existait pas. Pas du tout. Ni dans les choses, ni même dans ma pensée. Certes, depuis longtemps, j'avais compris que le mien m'avait échappé. Mais je croyais, jusqu'alors, qu'il s'était simplement retiré hors de ma portée. Pour moi le passé n'était qu'une mise à la retraite : c'était une autre manière d'exister, un état de vacance et d'inaction ; chaque événement, quand son rôle avait pris fin, se rangeait sagement, de lui-même, dans une boîte et devenait événement honoraire : tant on a de la peine à imaginer le néant. Maintenant, je savais : les choses sont tout entières ce qu'elles paraissent – et derrières elles... il n'y a rien. »
« Mais devant cette grosse patte rugueuse, ni l'ignorance ni le savoir n'avaient d'importance : le monde des explications et des raisons n'est pas celui de l'existence. »
« Exister, c'est être là, simplement ; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire. Il y a des gens, je crois, qui ont compris ça. Seulement ils ont essayé de surmonter cette contingence en inventant un être nécessaire et cause de soi. Or aucun être nécessaire ne peut expliquer l'existence : la contingence n'est pas un faux-semblant, une apparence qu'on peut dissiper ; c'est l'absolu, par conséquent la gratuité parfaite. Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le coeur et tout se met à flotter, comme l'autre soir, au Rendez-vous des Cheminots : voilà la Nausée ; voilà ce que les Salauds – ceux du Coteau Vert et les autres – essaient de se cacher avec leur idée de droit. Mais quel pauvre mensonge : personne n'a le droit ; ils sont entièrement gratuits, comme les autres hommes, ils n'arrivent pas à ne pas se sentir de trop. Et en eux-mêmes, secrètement, ils sont trop, c'est-à-dire amorphes et vagues, tristes. »
« L'existence n'est pas quelque chose qui se laisse penser de loin : il faut que ça vous envahisse brusquement, que ça arrête sur vous, que ça pèse lourd sur votre coeur comme une grosse bête immobile – ou alors il n'y a plus rien du tout. »
« Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre. Je me laissai aller en arrière et je fermai les paupières. Mais les images, aussitôt alertées, bondirent et vinrent remplir d'existences mes yeux clos : l'existence est un plein que l'homme ne peut quitter. »
(Extrait de "La Nausée" de Jean-Paul Sartre)
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31/05/2013
Les grands auteurs... (4)
Un jour d’été, vers le soir, j’arrivai dans un village où je n’étais encore jamais allé. Je remarquai avec étonnement combien les chemins étaient larges et dégagés. On voyait partout devant les fermes de vieux arbres très hauts. Il avait plu, le vent était frais, tout cela m’agréait fort. Je m’appliquai à le montrer en saluant les gens debout devant leurs portes, ils répondaient aimablement, mais non sans réticence. Je pensai qu’il serait agréable de passer la nuit en cet endroit, si toutefois je trouvais une
auberge.
Au moment même où je passais devant un grand mur de ferme tout couvert de verdure, une petite porte s’ouvrit dans le mur, trois visages se montrèrent, disparurent, et la porte se referma.
— Bizarre, dis-je en me tournant sur le côté comme si j’avais un compagnon. Et de fait, comme pour susciter ma gêne, un homme de haute taille vêtu d’un gilet de tricot noir, sans chapeau ni veste, se trouva à côté de moi en train de fumer la pipe. Je me ressaisis rapidement et dis, feignant d’avoir déjà su qu’il était là :
— La porte! Est-ce que vous avez vu aussi comment cette petite porte s’est ouverte?
— Oui, dit l’homme, mais en quoi est-ce bizarre? Ce sont les enfants du métayer. Ils ont entendu vos pas et ont voulu voir qui marchait là si tard dans la soirée.
— Certes, l’explication est simple, dis-je en souriant, tout paraît facilement bizarre à un étranger. Je vous remercie. Et je continuai ma route. Mais l’homme me suivit. Je n’en fus pas autrement étonné, il se pouvait qu’il eût le même chemin que moi, mais cela n’expliquait pas pourquoi nous aurions dû marcher l’un derrière l’autre et non côte à côte.
Je me retournai et dis :
— Est-ce le bon chemin pour aller à l’auberge?
L’homme s’arrêta et dit :
— Nous n’avons pas d’auberge, ou plutôt nous en avons une, mais elle est inhabitable. Elle appartient à la commune mais comme personne n’a voulu l’acheter, la commune l’a cédée il a déjà plusieurs années à un vieil invalide qui jusque-là était à sa charge. A présent, c’est lui qui tient l’auberge avec sa femme, et de telle sorte que c’est tout juste si l’on peut passer devant la porte, tant l’air qui sort de là empeste. Dans la salle, le pied glisse sur les ordures. Misérable boutique, une honte pour le village, une honte pour la commune.
J’avais envie de le contredire; son air, son visage surtout m’y incitaient, ce visage maigre somme toute avec ses joues jaunâtres, tannées, mollement rembourrées, parcourues de plis noirs qui se déplaçaient au gré des mouvements de la mâchoire.
— Tiens, dis-je sans manifester plus d’étonnement au sujet de cet état de choses, puis je continuai :
— C’est cependant là que je vais habiter, puisqu’aussi bien Je suis décidé à passer la nuit ici.
— Dans ce cas, bien sûr, dit l’homme précipitamment, mais pour aller à l’auberge, il vous faut prendre par là, et il me montra la direction d’où j’étais venu. Allez jusqu’au prochain tournant et prenez à droite. Vous verrez tout de suite une enseigne d’auberge. C’est là.
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14/01/2013
Les grands auteurs... (1)
Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, _ la Ville-de-Montereau _ , près de partir, fumait à gros tourbillons devant le quai Saint-Bernard.
Des gens arrivaient hors d'haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne ; on se heurtait ; les colis montaient entre les deux tambours, et le tapage s'absorbait dans le bruissement de la vapeur, qui, s'échappant par des plaques de tôle, enveloppait tout d'une nuée blanchâtre, tandis que la cloche, à l'avant, tintait sans discontinuer.
Enfin le navire partit ; et les deux berges, peuplées de magasins, de chantiers et d'usines, filèrent comme deux larges rubans que l'on déroule.
Un jeune homme de dix-huit ans, à longs cheveux et qui tenait un album sous son bras, restait auprès du gouvernail, immobile. A travers le brouillard, il contemplait des clochers, des édifices dont il ne savait pas les noms ; puis il embrassa, dans un dernier coup d'oeil, l'île Saint-Louis, la Cité, Notre-Dame ; et bientôt, Paris disparaissant, il poussa un grand soupir.
M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s'en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d'aller _ faire son droit _ . Sa mère, avec la somme indispensable, l'avait envoyé au Havre voir un oncle, dont elle espérait, pour lui, l'héritage ; il en était revenu la veille seulement ; et il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue.
Le tumulte s'apaisait ; tous avaient pris leur place ; quelques-uns, debout, se chauffaient autour de la machine, et la cheminée crachait avec un râle lent et rythmique son panache de fumée noire ; des gouttelettes de rosée coulaient sur les cuivres ; le pont tremblait sous une petite vibration intérieure, et les deux roues, tournant rapidement, battaient l'eau.
(Extrait de "L'éducation sentimentale" de Gustave Flaubert)
à suivre...
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30/03/2012
D'un corps à l'autre... (Chapitre 3... 17)
Chapitre 3 "Au coeur des choses"... (17)
J’attendais de sa part (le coeur) qu’il me dise plus de choses, il se ferma dans un mutisme peu à collaborer à un dialogue constructif et intelligent. Cette attitude était le reflet d’un coeur sensible mais étrangement absent. Je ne renonçais pas, cependant, à cesser de l’interroger pour parvenir à mes fins. Les palpitations s’accéléraient à chacune des émotions ressenties, les viscères se contractaient ainsi que le sang irrigué arrivait et activait ce muscle comme une pompe à injection. Tout ce phénomène me glissa petit à petit dans une somnolence et dans un voyage quasi onirique dont je vais vous narrer le début...
Vous souvenez-vous de ce poème de Rimbaud « Le Bateau ivre », de ces premiers vers...
« Comme je descendais des fleuves impassibles, je me sentis plus guidé par les haleurs... » Partons dans le rêve...
...Sous des paradis grimaçants, elles débordaient de sources multicolores, propageant des gènes aux fortes odeurs d’encens, de cinnamomes, de myrrhes. De belles naïades vêtues de dentelles transparentes, le sexe offert à la contemplation ayant pour seul langage leur corps, délivraient une sensualité suave et émouvante. La beauté émanant de cette enveloppe corporelle ne délivrait aucun des messages que j’espérais ; de déchiffrables qui puissent m’éclairer l’esprit.
— J’ai une question.
— Oui, si tu veux...
— Tu disais : « que ce qui primait dans la relation entre ces deux êtres (l’homme et la femme) n’était que purement sexuel avec une autre petite variante ».
— Tu peux t’expliquer ?
— L’attachement à l’autre n’est que purement sexuel et aussi matériel, je veux dire par là que la femme et l’homme vivent ensemble pour des commodités bassement sexuelles et matérielles. L’amour qu’ils pensent vivre n’est que le pur produit de leurs jeux de séduction, qu’ils ne sont là que pour eux, qu’ils vivent le plus souvent ce que l’autre apporte sur le plan sexuel et matériel, qu’ils pensent plus à leur intérêt personnel qu’à celui de leur partenaire.
— Et l’amour dans tout cela ?
— L’amour existe, mais il reste figé dans nos têtes, perdu dans nos rêves, nos fantasmes, nos désirs... il est à l’état latent, il ne demande qu’à naître, à éclore, à vivre dans nos cellules, à vibrer dans nos coeurs. Sa faculté à procréer, à rendre vivant l’humain timoré que nous sommes est énorme. Sa force est à l’origine de notre monde ; le big-bang est né de l’amour... j’y crois fortement. La mutation sera génétique, certes, mais elle sera aussi mentale. L’humain évoluera par ses gènes, mais il faudra que l’homme plonge en lui, qu’il regarde en sa propre personne. Il faudra qu’il sache comprendre la cartographie de l’amour, à en savoir le mécanisme, le fonctionnement. Dès lors qu’il aura compris qu’il oublie tout et laisse son corps ingurgiter ces aliments-là, la digestion se fera naturellement et il retrouvera son état originel. L’amour, pour moi, est un don de soi.
— Et toi as-tu connu l’amour ?
— Non, il reste bloqué en moi comme la plupart des êtres qui nous entourent.
— Tu as d’autres questions à me poser ?
— Non.
— Alors on y va dans ce corps ?
— Oh oui !
("D'un corps à l'autre" de Franck Roy - Ed. "Pays d'Herbes" - 2006)
à suivre...
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