Allez les yeux invisibles vers le beau.

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09/11/2013

Poème du jour...

Unknown.jpegChanson d’automne


Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens


30/10/2013

Poème du jour...

La terre est bleue


images-2.jpegLa terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.

Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.


Paul Eluard, L’amour la poésie, 1929

11/10/2013

René Char... (Le Poète)

 

René Char. Fureur et mystère, Gallimard, 1967 (« Poésie/Gallimard »). Archives Éditions Gallimard

Fureur et mystère en
« Poésie/Gallimard »,
édition de 1967

« Certes, il faut écrire des poèmes, tracer avec de l’encre silencieuse la fureur et les sanglots de notre humeur mortelle, mais tout ne doit pas se borner là. Ce serait dérisoirement insuffisant », confie René Char à son copain Francis Curel, en 1941. Les récents événements politiques, la guerre, le nazisme, la Collaboration requièrent, à son sens, à la fois le silence de l’écrivain et l’action secrète de l’homme. Démobilisé lors de l’armistice de 1940 après avoir combattu en Alsace, Char s’est donc engagé dans la Résistance sous le nom de Capitaine Alexandre ; et, contre l’« incroyable exhibitionnisme » dont font alors preuve « trop d’intellectuels », il a choisi de ne rien publier durant le temps que durerait l’Occupation. Ce qui ne l’empêche bien naturellement ni d’écrire, ni déjà de songer à un livre qui se placerait sous l’« exaltante alliance » de la fureur et du mystère : « c’est un peu solennel, mais c’est une ville de greniers et de pas millionnaires le rapprochement de ces deux mots », explique-t-il à un autre copain, Gilbert Lely, le 15 octobre 1941. 
Depuis 1940, son existence est rude. Il s’est retiré à L’Isle-sur-le-Sorgue puis dans les Basses-Alpes, à Céreste. Au mur de sa chambre chez ses amis Roux, une reproduction du Prisonnier de Georges de La Tour, avec une photographie d’Arthur Rimbaud à seize ans ; et sur la table, une boîte bleue, ronde et plate, qui contient tantôt des détonateurs, tantôt du tabac. Les poèmes qu’il écrit s’apparentent alors aux aphorismes d’Héraclite, mais s’en distinguent en ceci que les textes du Grec reposent sur une totalité dont nous ne possédons plus que des éléments épars. Char cherche à prolonger le Le Marteau sans maître  (1934) et les autres textes qu’il a publiés avant-guerre dans les revues surréalistes, où il exprimait déjà une forme éruptive de révolte, rimbaldienne celle-là contre les mœurs et contre une certaine pratique archaïque de la poésie, « pourrie d’épileurs de chenilles, de rétameurs d’échos ». Dans un carnet qui ne le quitte pas, il consigne aussi sous forme de notes ses pensées ; il rapporte, dans l’urgence, la mort de ses amis résistants, comme celle de Roger Bernard, abattu par les SS à portée de son propre fusil mitrailleur. Il se dégage de ces feuillets une impression paradoxalement contemplative. « Ces notes n’empruntent rien à l’amour de soi, à la nouvelle, à la maxime ou au roman. Un feu d’herbes sèches eût tout aussi bien été leur éditeur ». En juillet 1944, au moment de partir pour Alger, Char cache soigneusement son carnet des jours de résistance. Il entre en rapport avec la revue Fontaine, à laquelle il donne plusieurs poèmes à partir du mois d’août, ainsi qu’aux Cahiers d’Art et àL’Eternelle Revue, créée par Eluard dans la clandestinité. En septembre, il retrouve son carnet, qu’il s’empresse de détruire, non sans avoir pris copie de la partie « Journal » et des notes, intitulant l’ensemble Feuillets d’Hypnos. Après quoi, il essaie de mettre de l’ordre dans sa « manière de voir et d’éprouver qu’un peu de sang a […] tachée, à [s]on corps défendant ».


(Poésie de René Char -Ed. Poésie/Gallimard - 1967)

02/10/2013

Poème du jour...

poésie,le cam,détente,réflexion,poésie,littérature,écarte-toi des branches
alourdies de peines
ici 
est un jour nouveau
pour le jeûne 
de l'enfant

nous parions de verre
je taquine ton pied

sous la table.



emmanuelle le cam

28/09/2013

Poème du jour...

images-2.jpegSi l'on s'échoue sur le Banc de la pensée

Qu'en est-il en Mer ?

Le seul vaisseau que l'on évite

Est sûr - la Simplicité -

 

(extrait de "Quatrains" - Poème de Emily Dickinson- Ed. "Gallimard" - 2011 -réédition)

14/09/2013

Chemins escarpés... (22)

poésie,kraly,poème,inédit,chemins,escarpés,beauté,spiritualité,poèteAppliquez énergiquement les méthodes destinées à affranchir nos instincts les plus enfouis, chercher l’autre dans son cœur. Alors les signes essentiels et vertueux viendront à nous comme de jolis papillons de couleurs à nos âmes en confiance. Le transfert sera adéquat avec les consciences, nos consciences  seront ainsi en parfaite harmonie, elles organiseront le travail dans l’immédiateté et avec force. Tous ceux qui auront acquis ces petites flammes vivantes dans leur esprit verront le jour nouveau comme récompense, les autres seront en attente du même émerveillement. Tout sera beau à nos yeux indéfectibles, à ce moment précis la nature émergera d’une nouvelle étoffe étincelante. Le cycle de l’existence sera ainsi renouvelé pour un temps bien déterminé et sera avide de nos vies. On pourra se dire enfin : « À l’intérieur de nos lymphes, un sang neuf vient à couler en nos veines, nos corps en connaissent la saveur ». Offrez toutes vos envies au chant spirituel qui s’offre à nous, la proximité de nos langages ainsi libérés dans l’expression de nos sens nous ouvre la porte à la présence mentale d’une voix unique.


(Poème inédit de Pôl Kraly (alias Franck Roy) in "Chemins escarpés" - à paraître)


à suivre...

09/09/2013

Poème du jour...

LE VIEUX SALTIMBANQUE

images-2.jpeg

Partout s’étalait, se répandait, s’ébaudissait le peuple en vacances. C’était une de ces solennités sur lesquelles, pendant un long temps, comptent les saltimbanques, les faiseurs de tours, les montreurs d’animaux et les boutiquiers ambulants, pour compenser les mauvais temps de l’année.

En ces jours-là il me semble que le peuple oublie tout, la douleur et le travail ; il devient pareil aux enfants. Pour les petits c’est un jour de congé, c’est l’horreur de l’école renvoyée à vingt-quatre heures. Pour les grands c’est un armistice conclu avec les puissances malfaisantes de la vie, un répit dans la contention et la lutte universelles.

L’homme du monde lui-même et l’homme occupé de travaux spirituels échappent difficilement à l’influence de ce jubilé populaire. Ils absorbent, sans le vouloir, leur part de cette atmosphère d’insouciance. Pour moi, je ne manque jamais, en vrai Parisien, de passer la revue de toutes les baraques qui se pavanent à ces époques solennelles. 

Elles se faisaient, en vérité, une concurrence formidable : elles piaillaient, beuglaient, hurlaient. C’était un mélange de cris, de détonations de cuivre et d’explosions de fusées. Les queues-rouges et les Jocrisses convulsaient les traits de leurs visages basanés, racornis par le vent, la pluie et le soleil ; ils lançaient, avec l’aplomb des comédiens sûrs de leurs effets, des bons mots et des plaisanteries d’un comique solide et lourd comme celui de Molière. Les Hercules, fiers de l’énormité de leurs membres, sans front et sans crâne, comme les orang-outangs, se prélassaient majestueusement sous les maillots lavés la veille pour la circonstance. Les danseuses, belles comme des fées ou des princesses, sautaient et cabriolaient sous le feu des lanternes qui remplissaient leurs jupes d’étincelles.

Tout n’était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte ; les uns dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux. Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir quelque bâton de sucre, ou montaient sur les épaules de leurs pères pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu. Et partout circulait, dominant tous les parfums, une odeur de friture qui était comme l’encens de cette fête.

Au bout, à l’extrême bout de la rangée de baraques, comme si, honteux, il s’était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit, une ruine d’homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute ; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants et fumants, éclairaient trop bien encore la détresse.

Partout la joie, le gain, la débauche ; partout la certitude du pain pour les lendemains ; partout l’explosion frénétique de la vitalité. Ici la misère absolue, la misère affublée, pour comble d’horreur, de haillons comiques, où la nécessité, bien plus que l’art, avait introduit le contraste. Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie ni lamentable, il n’implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite.

Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumières, dont le flot mouvant s’arrêtait à quelques pas de sa répulsive misère ! Je sentis ma gorge serrée par la main terrible de l’hystérie, et il me sembla que mes regards étaient offusqués par ces larmes rebelles qui ne veulent pas tomber.

Que faire ? À quoi bon demander à l’infortuné quelle curiosité, quelle merveille il avait à montrer dans ces ténèbres puantes, derrière son rideau déchiqueté ? En vérité, je n’osais ; et, dût la raison de ma timidité vous faire rire, j’avouerai que je craignais de l’humilier. Enfin, je venais de me résoudre à déposer en passant quelque argent sur une de ses planches, espérant qu’il devinerait mon intention, quand un grand reflux de peuple, causé par je ne sais quel trouble, m’entraîna loin de lui.

Et, m’en retournant, obsédé par cette vision, je cherchai à analyser ma soudaine douleur, et je me dis : Je viens de voir l’image du vieil homme de lettres qui a survécu à la génération dont il fut le brillant amuseur ; du vieux poëte sans amis, sans famille, sans enfants, dégradé par sa misère et par l’ingratitude publique, et dans la baraque de qui le monde oublieux ne veut plus entrer !


(Extrait de "Petits poèmes en prose" de Charles Baudelaire)