Allez les yeux invisibles vers le beau.

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28/09/2011

Proses des ivresses... (15)

 

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Venait le moment de rentrer, de choisir parmi les herbes séchées, celles dont il allait préparer l'infusion. Il connaissait les herbes médicinales. Il aimait celles qui avaient poussé là où toutes les autres renoncent, sur des terres rocailleuses et arides où se perpétuent comme en osmose minérale des plantes ingrates et noueuses. L'hiver, il ranimait une grosse bûche, faisait chauffer l'eau à même le feu. Souvent, il oubliait, s'absorbait dans la flamme, se posait la question du premier homme qui avait vu le feu mais il ne savait plus si cela était folie ou histoire. La flamme qui dansait, la braise qui rougeoyait, lui penché sur le foyer, la chaleur sur ses cuisses. Il retardait, refusait tout mouvement. Il restait là à regarder des villes étagées et momunentales bâties comme des temples au centre d'invisibles empires et qui s'effondraient, s'éboulaient, se délitaient presque, gagnaient la cendre, déclinaient, s'éteignaient comme des îles lointaines, océanes ou cosmiques. Le bruit de l'eau l'éveillait alors et il se secouait, perplexe.

(Prose de Yves Buin - extrait de "Maël" - Ed. Christian Bourgois - 1938)Unknown.jpeg

10/09/2011

Proses des ivresses... (14)

 

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Ce que vous apprenez la première fois que vous vous enivrez à seize ans, en tiraillant par le bras les vieux pisseurs de Moody Street et en criant : " Vous ne comprenez pas que vous êtes Dieu", c'est ce que vous apprenez quand vous comprenez la signification qui est ici, devant vous sur cette terre pesante : vivre seulement pour mourir... regardez le ciel, les étoiles ; regardez la tombe, la mort - En demandant l'assistance, l'assistance transcendantale venue des autres sphères de cette Fleur Imaginaire, demandez au moins, implorez qu'on vous enseigne cette vérité : - aidez-moi à comprendre que je suis Dieu - que tout est Dieu -.

 

(Prose de Jack Kerouac extrait de "Visions de Gérard" - Ed. Gallimard)

27/08/2011

Proses des ivresses... (13)

 

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Dans l’espace primordial, il y a ma place, significative, droite dans l’emplacement de tout être du réel. Le rappel de soi aux autres est une libération intemporelle de l’âme vers la conscience, essence du beau vers le divin. Ici, passe le rayon lumineux de l’invisible clarté vers les flots du corps, de la parole et de l’esprit lavant toutes les souillures engendrées par le négatif d'une imagination morbide. La purification et la contemplation sont les liens originaux vers une solide reconstruction aux  forces pénétrantes et réactivent du naturel. L’énergie en visualise la fonction par sa phase de développement ;  l’âme parvient ainsi à une réalité où elle se reflète avec soi. À ce moment-là, commence et défile la concentration des visions du vécu déployé, variable selon les assises du temps. Le féminin accompagne ces territoires bien délimités tributaires de ces traditions millénaires où les différences se destinent aux phases ultimes de la connaissance et de l’intelligence au service de mon moi intérieur. La pensée principale se libère par l’écoute et le don de soi à travers les sons mélodieux des voix intimes, celles qui se diffusent à l’intérieur du corps. Transparence totale et compréhension des individus par l’expérience essentielle de l’expérience directe qui émergent à la spiritualité naissante. Clarification et représentation manifestent comme une respiration externe et lente de nous-mêmes vers la sagesse de canaux de dérivation de nos intelligences unifiées...

 


(Prose inédite de Franck Roy à paraître dans "Chemins escarpés").

26/08/2011

Proses des ivresses... (12)

 

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Ni l'univers et une fièvre sans ciel, les robes d'aurore, et un sang suspendu entre les tessons de la bouche et les dérives de la mort. Le gant étranglé de la langue.

Ombre orange des nerfs, la mort-nombril sertie d'une rosée mordue. Les tempes de pupilles, les langues de violons. Les cernes aimantées des artères de mixages.

L'éclair moite, l'hostie amphétaminique, la scie du sang à la perforation consumée de la veine. Les soucoupes habillées de délires givrés, ici sous la peau de la peau. D'autres mondes devant les yeux d'aquarium.

Le murmure éternel d'un parfum de ciseaux.

Sur le Pacifique de ma détresse. Les vagues éclatent comme les veines bleues de l'insuffisance. Le soda de mon sang. Le sable, l'écrin de mes poignets.

Mes yeux aux cils de vagues.

Sur les draps brodés, mon enfance endormie dans un berceau de jade.La plage tranchée au rasoir de l'arc-en-ciel. Tapis à l'épée de mes colliers sans Immobile.

Mon miroir triste miroir, l'océan. Fondre mes poignets hisés de brumes divines au Château de la Maladie. Le coffret où l'Antérieur grima mon visage de fée.

 

(Prose extrait de "L'aiguille de diamant de l'anéantissement" de Michel Bulteau - Ed. du Soleil noir - 1949)

11/08/2011

Proses des ivresses... (11)

  

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LES REVERBERES AFRICAINS

 

J'étais ivre l'autre nuit d'un vin venu d'Europe et qui avait fait le voyage sur un bateau lent et secoué par la tempête. Ce vin qui avait des souvenirs marins et l'humeur impétueuse des flots, avait communiqué pour toujours à son essence spirituelle un caractère sauvage et tumultueux. La mer donne à ses amis un goût ardent de la liberté : ce vin avait un goût de corsaire ; en des temps meilleurs il se fût fait pirate, aurait mérité d'être pendu à une vergue dans le port de Londres, non loin de quelque celèbre capitaine. Je ne dirai rien de moi : ce vin merveilleux m'habitait.

Ainsi gréé, puissant comme un dieu, je partis au hasard des rues du Caire.

 

(Prose de Georges Limbour - extrait de "Soleil bas" - Ed. Gallimard)images-1.jpeg

à suivre...

 

 

( Portrait de Georges Limbour par Picasso...)

13/07/2011

Proses des ivresses... (9)

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Frères, vous pullulez, vous vous entroupez, vous vous encroûtez. Bientôt les caves seront à sec et que deviendrons-nous ? Les uns crèveront lamentablement, les autres se mettront à boire d'infâmes potions chimiques. On verra des hommes s'entretuer pour une goutte de teinture d'iode. On verra des femmes se prostituer pour une bouteille d'eau de Javel. On verra des mères distiller leurs enfants pour en extraire des liqueurs innommables. Cela durera sept années. Pendant les sept années suivantes, on boira du sang. D'abord le sang des cadavres, pendant un an. Puis le sang des malades, pendant deux ans. Puis chacun boira son propre sang, pendant quatre ans.  Pendant les sept années suivantes, on ne boira que des larmes et les enfants inventeront des machines à faire pleurer leurs parents pour se désaltérer. Alors il n'y aura plus rien à boire et chacun criera à son dieu : " rends-moi mes vignes ! " et chaque dieu répondra : " rends-moi mon soleil ! ", mais il n'y aura plus de soleils, ni de vignes, et plus moyens de s'entendre. 

Des soleils et des vignes, il y en a encore. Mais sans soif, on ne fait plus de vin. Plus de vin, on ne cultive plus les vignes. Plus de vignes, les soleils s'en vont : ils ont autre chose à faire que de chauffer les terres sans buveurs, ils se diront : allons maintenant vivre pour nous. Cela, le voulez-vous ?

- Non ! gronda l'auditoire.

- Avez-vous soif ?

- Oui ! confessa l'auditoire.

- Eh bien, allons aux vignes ! Mais pour cela, il faut partir comme moi, en délaissant tous les biens de ce monde, en n'emportant que le strict nécessaire. Qui a soif me suive !

(" La Grande Beuverie " de René Daumal - Ed. Gallimard)

28/06/2011

Proses des ivresses... (8)

 

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L'herbe du diable n'est qu'un chemin parmi des millions d'autres. N'importe quoi peut servir de chemin. C'est pourquoi il ne faut jamais oublier qu'un chemin est seulement un chemin ; si tu sens que tu ne dois pas le suivre, alors sous aucun prétexte ne continue d'y avancer. Pour obtenir une telle lucidité d'esprit il faut discipliner sa vie. Alors, seulement, tu pourras comprendre que tout chemin n'est chemin auquel tu peux renoncer si ton coeur le désire sans faire affront à personne, ni à toi ni aux autres. Mais ta décision de poursuivre sur un chemin ou l'abandonner doit être libre de peur ou d'ambition. Je te préviens, considère chaque chemin en toute liberté et avec une grande attention. Essaie-le autant de fois que le jugeras nécessaire. Puis pose-toi, et à toi seul, une question ; une question que seul un vieil homme peut se poser. Lorsque mon benefactor m'en parla j'étais bien trop jeune et mon sang était trop ardent pour que je puisse la saisir. A présent, je comprends la question et je vais te la dire " ce chemin a-t-il un coeur ?" Tous les chemins sont les mêmes, ils ne conduisent nulle part. Il y a des chemins qui traversent la forêt, d'autres qui vont dans la forêt. Dans ma propre vie, je puis dire que j'ai parcouru de longs, longs chemins, mais je suis arrivé quelque part. Et maintenant la question de mon benefactor a pris tout son sens. Ce chemin a-t-il un coeur ? Si oui, le chemin est bon, sinon il est inutile. Ces deux chemins ne conduisent nulle part, mais l'un d'entre eux a un coeur et l'autre n'en a pas. L'un est propice à un merveilleux voyage ; aussi longtemps que tu le suis, tu ne fais qu'un avec lui. L'autre te fera maudire ta vie. L'un rend fort, l'autre t'affaiblit. 

 

("L'herbe du diable et la petite fumée" de Carlos Castaneda - 1935 - Ed. du Soleil noir)