Allez les yeux invisibles vers le beau.

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18/11/2010

Poème du Jour...

 

Unknown.jpegUNE GOUTTE D'HOMME

 

une goutte d'homme

un rien de femme

achèvent la beauté du bouquet d'os

c'est l'heure de l'aubade

dans la fourrure de feu

le vent arrive sur ses quatre plantes

comme le cheval sur ses quatre roues

l'espace a un parfum vertical

 

l'espace a un parfum vertical

le vent arrive sur ses quatre plantes

comme le cheval sur ses quatre roues

c'est l'heure de l'aubade

dans la fourrure de feu

une goutte d'homme

un rien de femme

achèvent la beauté du bouquet d'os.

 

(Poème de Jean Arp - 1938)

08/11/2010

Poème du Jour...

 

Unknown.jpegPORTE DU SECOND INFINI

A Antonin Artaud

 

L'encrier périscope me guette au tournant,

mon porte-plume rentre dans sa coquille.

La feuille de papier déploie ses grandes ailes blanches :

Avant peu ses deux serres m'arracheront les yeux.

Je n'y verrai que du feu mon corps

feu mon corps !

Vous eûtes l'occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules.

Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme Démosthène

Mais je suis inventeur d'un téléphone de verre de Bohème et de tabac anglais

en relation directe avec la peur !

 

(Poème de Robert Desnos)

06/11/2010

Poème du Jour...

 

 

Unknown.jpegLIEU DU CRIME

 

Les bonheurs de la pensée péris en mer

Avec les peaux d'onagre et les sceaux,

La déroute d'une colonnade, le crépuscuele

Font tinter la cloche du rémouleur.

 

Ceux qui ont mangé leur mère

Et couchent avec le destin,

Fondrières glacées,

Ont l'agilité des petites esclaves

Pour chanter et s'appuyer contre une feuille de houx.

 

La place pourrait sourire

Les arbres teints de patience

L'après-midi flambent.

 

(Poème de Vincent Bounoure)

01/11/2010

Poème du Jour...

 

Unknown.jpegFIEVRE

 

Fièvre ton sexe est un crabe

Fièvre les chats se nourrissent à tes mamelles vertes

Fièvre la hâte de tes mouvements de reins

L'avidité de tes muqueuses cannibales

L'étreinte de tes tubes qui tressaillent et qui clament

Déchirent mes doigts de cuir

Arrachent mes pistons

Fièvre éponge morte gonflée de mollesse

Ma bouche court le long de ta ligne d'horizon

Voyageuse sans peur sur une mer de frénésie.

 

(Poème de Joyce Mansour)

 

 

17/10/2010

La Poésie Surréaliste...

André Breton

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LA POESIE SURREALISTE

 

La poésie surréaliste n'est pas d'essence différente de celle de toute poésie authentique. Elle est une et multiple, ainsi que l'attestent la diversité de ses chemins, le registre étendu de ses voix, dans le concert desquelles il n'est pas besoin d'être un spécialiste pour distinguer celle d'Eluard de celle de Breton, celle d'Aragon de celle d'Artaud, celle de Jean-Pierre Duprey de celle Joyce Mansour. Le surréalisme se veut "un moyen de libération totale de l'esprit" et il est, en son principe même, révolte. L'esprit qui l'anime se veut tourné vers l'avenir, porté vers ce qui vient, ce qui cherche par opposition à tout ce qui est achevé, fixé. D'où son éblouissante actualité. La poésie surréaliste nous propose le visage le plus convulsif, le plus pur et le plus somptueux de cette "liberté couleur d'homme" dont parle André Breton.

08/10/2010

Le Poème du jour...

 

Unknown-6.jpegSALON MEUBLE

 

Dans le jour très sombre - de cette nuance spécialement sinistre que laissent filtrer par une après-midi d'août torride les persiennes rabattues sur une chambre mortuaire - sur les murs peints de cet enduit translucide, visqueux pour l'oeil et au toucher dur comme le verre, qui tapisse les cavernes à stalactites, une légère écharpe d'eau sans bruit, comme sur les ardoises des vespasiennes, frissonnante, moirée, douce comme de la soie. Les rigoles confluant dans un demi-jour à l'angle gauche de la pièce nourrissent avant de s'échapper une minuscule cressonnière. Côté droit, dans une grande cage de Faraday à l'épreuve des coups de foudre, jetée négligemment sur les bras d'une chaise curule comme au retour d'une promenade matinale, la toge ensanglantée de César, reconnaissable à son étiquette de musée de l'aspect sui generis de déchirures particulièrement authentiques. Une horloge suisse rustique, à deux tons, avec caille et coucou, sonnant les demies et les quarts pour le silence d'aquarium. Sur la cheminée, victimes de je ne sais quelle spécialement préméditée mise en évidence au milieu d'une profusion de bibelots beaucoup plus somptueux, un paquet de scaferlati entamé et la photographie en premier communiant (carton fort, angles abattus, tranche épaisse et dorée, travail sérieux pour familles catholiques, avec la signature du photographe) du président Sadi-Carnot. Dans la pénombre du fond du salon, un wagon de marchandises avec son échauguette, sur sa voie de garage légèrement persillée de pâquerettes et d'ombellifères, laisse suinter par sa porte entrebâillée l'étincellement d'un service en porcelaine de Sèvres, et le bel arrangement des petits verres à liqueur.

 

(Poème de Julien Gracq " Le Salon Meublé")

27/09/2010

Poème du Jour...

 

Unknown-6.jpegComme il est appelé au soir en un lieu tel

que les portes battant sans fin

facilitent ou dénouent le tête-à-tête

 

hors de la crypte forestière il la traîne

au grand jour, ou plutôt il lui parle

 

il la dénude parmi les rafales de vent

ou plutôt il commence à se taire

avec une telle fureur dans les rayons

de la lumière verticale

une telle émission de silence comme un jet de sang

 

qu'elle se montre nue dans sa parole même

et c'est un corps de femme qui se fend.

 

(Extrait de "Proximité du murmure" du recueil "L'Embrasure" de Jacques Dupin/Gallimard)

 

* Jacques Dupin est né le 4 Mars 1927 à Privas (Ardèche)

Il a passé son enfance en Ardèche dans un asile psychiatrique, dont son père était directeur. Élevé avec les pensionnaires, dont l'un notamment donnera son nom à un poème, Chapurlat, il vit à Paris depuis 1943.

Il rencontre René Char, qui préface son premier recueil publié, Cendrier du voyage, chez GLM. Très tôt attendu comme le successeur de ce dernier, il prend le contre-pied en imposant, de livre en livre, une écriture atypique, souvent en ruptures. Ses textes suscitent l'admiration d'auteurs, de peintres comme Antoni TàpiesPaul Auster traduit ses poèmes en anglais. Mais c'est dans l'ombre qu'œuvre Dupin, dans le retrait. Jamais tenté par le roman, à peine écrira-t-il une pièce de théâtre, proche tout de même de la forme poétique :L'Éboulement.

Il a travaillé pour plusieurs galeristes, en particulier pour la Galerie Maeght et la Galerie Lelong. Ce travail l'a amené à rencontrer de nombreux artistes modernes, au premier rang desquelsAlberto Giacometti et Joan Miró occupent une place majeure dans son œuvre. Expert de l'œuvre de Miró, il est président du comité de l'A.D.O.M., Association pour la défense de l'œuvre de Joan Miró, qui promeut l'œuvre du peintre et statue sur l'authenticité des œuvres qui lui sont soumises.

Chez Maeght, il participe à la revue L'Éphémère, mêlant critique d'art et poésie, avec Gaétan PiconLouis-René des ForêtsYves Bonnefoy et André du Bouchet.

Il obtient le Prix national de poésie en 1988.