28/05/2010
Poème du jour...
LA FILLE
Trente ans qu'elle est née ici, qu'elle a grandi, porté du grain aux poules, les seaux de lait, ses cahiers à l'école et qu'elle s'est échappé avec des garçons. Un jour, son père l'a conduite en ville pour y faire des études. Aujourd'hui qu'elle est tombée là, tout en noir et or, parmi ces vieux murs, ces outils rouillés, on dirait une anémone sortie dans la nuit sous un rocher dans un coin de montagne.
(Un extrait des poèmes de Georges L. Godeau / Editions Le Dé Bleu)
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15/05/2010
Une brève histoire de l'avenir...(4)
Absurde aussi de tenter de prévoir l'avenir, car toutes les réflexions à son sujet ne sont en général que des élucubrations sur le présent : ainsi, dès les premières sociétés humaines, les discours sur les temps futurs se résumaient à prédire un éternel retour des astres et des récoltes. Pour les prêtres et les augures, le monde ne pouvait survivre qu'en obtenant le retour de la pluie et du soleil ; un monde meilleur n'était pas possible que dans un au-delà cosmique, espace idéal, lui aussi stable, cyclique, dont l'avènement tenait plus au bon vouloir énigmatique des dieux qu'aux actions des hommes. Quand il devint clair que l'innovation pouvait améliorer la vie matérielle, intellectuelle et esthétique, apparurent, d'abord autour de la Méditerranée, quelques peuples déterminés à concevoir et mettre en oeuvre un progrès terrestre. Ceux qui pensèrent ensuite l'avenir de la Terre (philosophes, artistes, juristes, puis savants, économistes, sociologues, romanciers, futurologues) le décrivent encore, en général, comme le prolongement naïf de leur propre présent. Par exemple, à la fin du XVIe siècle, tous pronostiquaient que l'apparition en Europe des caractères mobiles de l'imprimerie ne ferait que renforcer les deux pouvoirs alors dominants l'Eglise et l'Empire ; de même, à la fin du XVIIIe siècle, la majorité des analystes ne voyaient que dans la machine à vapeur qu'une attraction de foire qui ne changerait rien au caractère agricole de l'économie ; de même encore, à la fin du XIXe siècle, l'électricité n'avait, pour l'essentiel des observateurs, qu'un seul avenir : permettre d'éclairer autrement les rues. Et si, au début du XXe siècle, certains prévoyaient l'apparition du sous-marin, de l'avion, du cinéma, de la radio, de la télévision, personne - pas même Jules Verne - ne pensait que cela pourrait venir modifier l'ordre géopolitique alors dominé par l'Empire britannique ; personne non plus a fortiori ne voyait venir le déclin de l'Europe, la montée du communisme, du fascisme et du nazisme ; encore moins venue de l'art abstrait, du jazz, de l'arme nucléaire ou de la contraception. De même, à la fin du siècle dernier, beaucoup considéraient encore l'ordinateur personnel et Internet comme des curiosités de peu d'importances, et rares ceux qui imaginaient le mariage homosexuel. Enfin, récemment encore, très peu d'analystes ont vu venir le retour de l'islam au coeur de l'Histoire...
à suivre...
(Extrait de "Une brève histoire de l'avenir" de Jacques Attali/Fayard)
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12/05/2010
Poème du jour...
La pluie glisse sur la fenêtre
et sur le visage derrière elle.
Je pense :
on pourrait voir la tombée du jour
aussi comme ça
un peu trouble
comme inattendue.
(Poème de Franck Cottet - "Un hiver comme un autre" - Editions Soc & Foc)
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28/04/2010
Une brève histoire de l'avenir. (1)
Aujourd'hui se décide ce que sera le monde en 2050 et se prépare ce qu'il sera en 2100. Selon la façon dont nous agirons, nos enfants et nos petits-enfants habiteront un monde vivable ou traverseront un enfer en nous haïssant. Pour leur laisser une planète fréquentable, il nous faut prendre la peine de penser l'avenir, de comprendre d'où il vient et comment agir sur lui. C'est possible : l'Histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l'orienter.
La situation est simple : les forces du marché prennent en main la planète. Ultime expression du triomphe de l'individualisme, cette marche triomphante de l'argent explique l'essentiel des plus récents soubresauts de l'Histoire : peut l'accélérer, pour la refuser, pour la maîtriser.
Si cette évolution va à son terme, l'argent en finira avec tout ce qui peut lui nuire, y compris les Etats, qu'il détruira peu à peu, même les Etats-Unis d'Amérique. Devenu la loi unique du monde, le marché formera ce que je nommerai l'hyperempire, insaisissable et planétaire, créateur de richesses marchandes et d'aliénations nouvelles, de fortunes et de misères extrêmes ; la nature y sera mise en coupe réglée ; tout sera privé, y compris l'armée, la police et la justice. L'être humain sera alors harnaché de prothèses, avant de devenir lui-même un artefact, vendu en série à des consommateurs devenant eux-mêmes artefacts. Puis, l'homme, désormais inutile à ses propres créations, disparaîtra...
à suivre...
(extrait de "Une brève histoire de l'avenir" de Jacques Attali/Fayard)
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23/04/2010
Quelques Obscurcissements
Il y a des écrits qui ont une histoire. Comme il y a des tableaux de peinture ou des morceaux de musique qui ont une histoire. Tous les écrits, tous les tableaux de peinture, tous les morceaux de musique n'ont pas une histoire : beaucoup s'inscrivent paisiblement, sans histoire, dans la production de l'auteur, dans son projet. Il y a la date et le lieu où ils ont été composés, il y a la période dans l'oeuvre de l'auteur, il y a un contexte biographique, et puis c'est tout. Parfois, il y a l'événement qui les a inspirés et qui reste clairement présent en référence. Parfois, ils sont liés à un mouvement artistique ou politique, à un courant d'idées, à un fait historique, qui leur tient lieu de famille. Par "écrits qui ont une histoire", j'entends ceux qu'accompagne dans l'obscurité, pour l'auteur lui-même et pour lui seul, une autre matière, un autre sujet d'écriture, non formulés, non écrits, mais qui, tout aussi bien que l'écrit lui-même, pourraient l'être. Une histoire qui toujours échappera à la désastreuse et stupide entreprise des historiens de métier, et une histoire que seul l'auteur lui-même pourrait décider de raconter et d'écrire, mais qu'il ne raconte et qu'il n'écrit jamais parce que, précisément, l'écrit doit en rester l'unique fruit. L'écrit est, comme par définition, le meilleur parti que l'auteur a pu tirer de son histoire. Dès lors, l'histoire est détruite par l'écrit qui ne doit son existence qu'à cette destruction de l'histoire qui l'a d'abord éclairé, avant qu'il ne l'éclipse. L'écrit se superpose parfaitement à son histoire, il en est la planète masquante. L'histoire d'un écrit ressurgissant derrière l'écrit s'établit dans son dos. Et il y a alors comme les deux versants d'une montagne : celui qui a recueilli les eaux de pluie, et celui où est apparue la source. Deux paysages qui peuvent avoir chacun leur charme et qui, tous deux, mettent en scène la même eau. Entre l'histoire écrite et l'écrit lui-même, entre les deux versants de la montagne, reste obscur et inaccessible le trajet de l'eau à travers la roche. Un trajet dont l'auteur ne connaît rien, et un trajet dont l'auteur ne peut jamais rien connaître ni rien dire de juste puisque, justement, la roche c'est lui-même. Mais, même si l'on ne sait presque rien de la circulation souterraine de l'eau, des terrains et des matières qu'elle rencontre, dont elle se charge et qui la modifient, ni des obstacles qui s'opposent à son écoulement ou des pentes qui le facilitent, la mise en lumière du versant qui a recueilli les pluies et la mise dos à dos de cette histoire écrite de l'écrit avec l'écrit lui permettent d'imaginer, entre ces deux écrits, entre ces deux histoires, une géographie. L'auteur est en quelque sorte ce lieu, cet espace, cette géologie, entre les histoires, entre les écrits. Bien sûr, les écrits qui ont une histoire (écrite ou pas) ne sont pas meilleurs que ceux qui n'en ont pas. En fait, la plupart des grands écrits n'ont pas d'histoire.
(extrait de "Quelques Obscurcissements" de Alain Fleischer/ Seuil)
05:52 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, auteur, seuil, fiction & cie
20/04/2010
Poème du jour...
La nuit on s'enfonce dedans comme en nous-même
on sait bien que parce que c'est l'hiver on est un peu
plus seul plus longtemps qu'on est là immobile presque sans la force
de rien ou pas grand-chose que les bruits les images tiennent moins de
place de l'autre côté de la porte. On vit.
D'une chaise à l'autre.
On se demande si.
On s'ankylose.
on attend le printemps pour voir.
On sait bien qu'alors, un alors encore loin
on sera maladroit quand on ouvrira la porte
qu'on aura presque tout à recommencer.
(Poème de Franck Cottet - " Un hiver comme un autre"/ Editions Soc & Foc)
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15/04/2010
Nouvelle photo de Rimbaud
SCOOP / NOUVELLE PHOTO DE RIMBAUD A ADEN !... Il a 26 ans.
08:42 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud, photo, aden